Lutte au tabagisme : engagements pour les prochaines élections

Nous vous écrivons aujourd’hui afin d’attirer votre attention sur l’épidémie du tabagisme qui au Québec tue chaque année 13 000 de nos concitoyens, soit presque autant que ceux qui sont décédés de la Covid‑19 en trois ans (2020, 2021 et 2022, soit 15 456). La mortalité attribuable au tabagisme est telle qu’il est difficile d’en communiquer l’étendue de même que l’envergure de la souffrance humaine et de toutes les vies qui s’éteignent prématurément à cause d’un produit qui n’a aucune utilité réelle autre que de générer des profits corporatifs.

Alors que le gouvernement fédéral et les provinces ont rapidement mis en œuvre une série de mesures d’urgence pour contrer la pandémie de la Covid-19, y compris des interventions relativement contraignantes. Le Québec n’a depuis 2015 mis de l’avant aucune nouvelle mesure législative, réglementaire ou fiscale pour réduire le tabagisme ou pour contrer le vapotage chez les jeunes. Pendant ce temps, onze provinces et territoires ont adopté ou annoncé l’instauration de mesures restreignant davantage le vapotage, y compris la taxation des produits de vapotage, et au moins 30 hausses de la taxe-tabac provinciale ou territoriale ont eu lieu depuis la dernière hausse de la taxe provinciale québécoise en 2014.

En fait, le budget du ministre Girard en mars 2022 est le huitième sans hausse de la taxe-tabac, la mesure la plus efficace pour contrer le tabagisme selon l’OMS. Simplement pour rejoindre le niveau de taxation en Ontario (la province ayant le deuxième taux le moins élevé au pays), le Québec aurait à procéder à une augmentation de 15,29 $, ce qui équivaut à presque quatre fois le montant de la dernière hausse québécoise remontant à 2014 (4,00 $).

Le gouvernement ne peut plus utiliser la contrebande comme justification à cet égard, cette activité s’étant stabilisée autour de 12 % du marché depuis 2011, et ce, malgré plusieurs hausses de la taxe fédérale, de la hausse de la taxe québécoise de 2014 et des hausses substantielles des prix provoquées par les manufacturiers eux-mêmes.

En outre, ni le gouvernement québécois ni des membres de l’Assemblée nationale n’ont donné suite au rapport du ministre Christian Dubé de 2020 faisant état des lacunes de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme et recommandant sa mise à jour. Aucun élu n’a contesté l’inaction réglementaire en lien avec le vapotage, même si le ministre avait exprimé la pertinence d’agir rapidement en ce sens pour protéger les jeunes, notamment en intervenant sur l’aromatisation.

Il importe de reconnaître que les cigarettiers sont maintenant les plus gros joueurs de l’industrie du vapotage au Canada. Ils continuent de déployer les mêmes tactiques douteuses et malhonnêtes que par le passé, notamment en diffusant des messages trompeurs et potentiellement illégaux sur les risques du vapotage et en finançant ou appuyant des mouvements qui s’opposent aux mesures pour mieux encadrer les cigarettes électroniques. Par exemple, l’agent financier pour les élections fédérales de la Coalition pour les droits des vapoteurs (ou Rights4Vapers) était président de l’Association des représentants de l’industrie du vapotage (ARIV) dont les entités fondatrices incluent Imperial Tobacco et JTI-Macdonald.

En parallèle à l’inaction gouvernementale des dernières années, le tabagisme accapare le tiers des séjours hospitaliers au Québec, non seulement à cause des maladies liées au tabagisme, mais aussi par les complications et la gravité qu’il provoque en lien avec toute autre condition. Cet engorgement du système de santé est accompagné de coûts directs et indirects s’élevant à 1,20 G$ et 2,59 G$ respectivement, alors que la taxe-tabac (impôt sur le tabac) n’a rapporté que 918 M$ en 2021/22. Rappelons que l’hécatombe du tabagisme se perpétue avec une ampleur dévastatrice, avec un taux plus élevé que la moyenne canadienne (11,8%), soit de 13,3 % qui fument ou près de 1 million de Québécois.

Or, si le Québec parvenait à atteindre la cible canadienne, soit un taux de tabagisme de 5 % en 2035, le Québec épargnerait plus de 22 G$ sur 15 ans, dont plus de 7 G$ en coûts directs de soins de santé. En d’autres mots, en réduisant le tabagisme, non seulement le gouvernement agirait de manière éthique en diminuant la souffrance humaine, mais aussi de manière financièrement responsable pour réaliser d’importantes économies au bénéfice de tous les contribuables.

C’est pourquoi nous demandons aux députés, partis politiques et candidats des prochaines élections de s’engager pour la mise à niveau de la lutte contre la première cause de décès évitables au Québec. Plus spécifiquement, nous recommandons trois principales interventions :

  • Augmenter progressivement la taxe provinciale sur le tabac afin d’atteindre minimalement le même niveau que l’Ontario, avec une hausse initiale de 7 $/cartouche. Selon nos projections, cette première hausse se solderait par 18 000 fumeurs en moins et 185 M$ en revenus annuels supplémentaire, et ce bilan s’élèverait à 36 000 fumeurs en moins et 1,5 G$ avec les trois hausses sur cinq ans nécessaires pour atteindre le taux de l’Ontario (hausses indexées pour optimiser le rattrapage).
Graphique - Taxes spécifiques et de vente provinciales sur le tabac
  • Interdire les saveurs dans les liquides de vapotage, incluant la menthe et le menthol, pour freiner et renverser le fléau du vapotage chez les jeunes.
  • Mettre à jour la Loi concernant la lutte contre le tabagisme, dont la dernière mouture remonte à 2015. Depuis sept ans, les tactiques de l’industrie ne cessent d’évoluer, notamment pour déjouer les restrictions gouvernementales comme celles cherchant à empêcher l’offre de mesures incitatives aux détaillants liés à la vente (« programmes de récompenses »). Entre autres, des mesures pour contrer la manipulation des prix par les fabricants, l’instauration de permis de vente et l’interdiction de fumer en tout temps dans les garderies en milieu familial ne sont que quelques exemples de mesures efficaces et nécessaires. Certaines mesures ont d’ailleurs fait partie des recommandations du dernier Rapport de mise en œuvre de la loi (2015-2020).

Cette communication a été envoyée à tous les partis politiques d’importance au Québec. Nous colligerons les différentes réponses reçues et celles-ci seront mises en ligne dans les prochaines semaines sur le site tempsdagircontreletabac.quebec.

En vous souhaitant du succès à vous et à vos équipes pour les prochaines élections et espérant pouvoir compter sur une réponse favorable à nos demandes, nous vous souhaitons de bien vouloir agréer nos sentiments les plus respectueux,

Signataires

Thomas Bastien, directeur général, Association pour la santé publique du Québec
Flory Doucas, codirectrice, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Annie Papageorgiou, directrice générale, Conseil québécois sur le tabac et la santé
Kevin Bilodeau, directeur, Relations gouvernementales – Québec, Fondation des maladies du cœur et de l’AVC (Québec)
Dominique Massie, directrice générale, L’Association pulmonaire du Québec
David Raynaud, gestionnaire – Défense de l’intérêt public, Société canadienne du cancer

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