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Communiqué de presse

Pour diffusion immédiate

Montréal, lundi le 7 mai 2007

Responsabilité sociale de l’entreprise :

Imperial Tobacco nous prend-elle pour des valises?

 

Montréal, le 7 mai 2007 — La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac est abasourdie du discours tenace et obstiné d’Imperial Tobacco, qui veut se présenter comme une entreprise socialement responsable. Benjamin Kemball, président et chef de la direction d’Imperial Tobacco, rencontre aujourd’hui le Cercle Canadien de Montréal dans le cadre d’un déjeuner-conférence intitulé « Responsabilité sociale de l’entreprise : Joindre le geste à la parole ». Lors de cette conférence, monsieur Kemball entend présenter à l’auditoire sa campagne de relations publiques nommée ironiquement « Parlons-en ».

« Il est déplorable que la communauté des affaires continue à offrir une tribune d’honneur à une entreprise qui tue un consommateur de ses produits sur deux », reproche Louis Gauvin, coordonnateur de la Coalition.  « C’est une autre occasion pour Imperial Tobacco de tenter de persuader le public que la compagnie s'est mutée en ‘entreprise socialement responsable’. Les compagnies de tabac n’ont jamais agi de manière responsable et ne le feront probablement jamais. »

La campagne « Parlons-en » a fait l’objet de plusieurs appels au boycott par divers groupes de santé au Canada, incluant la Coalition. « Nous avons recommandé à tous nos partenaires de ne pas prêter leur bonne réputation à ce faux dialogue. Cette campagne n’est rien d’autre qu’un exercice de relations publiques  orchestrée dans le but d’améliorer l’image de l’industrie du tabac. » La compagnie-mère d’Imperial Tobacco, British American Tobacco (BAT), a également lancé une initiative similaire en Grande-Bretagne il y a cinq ans, nommée « BAT Social Report 2001/2002 ». ASK-UK, le plus important organisme antitabac de ce pays, de même que d’autres organisations prestigieuses comme les fondations du cancer et du cœur, la British Medical Association, et le Royal College of Physicians, ont boycotté tout « dialogue » avec l’industrie dans le cadre de cette campagne.

En effet, ces deux campagnes de relations publiques sont le résultat d’une prise de conscience par Imperial Tobacco et British American Tobacco que leur mauvaise réputation nuit à leurs profits. Leur but, tel que spécifié dans les documents internes des compagnies (voir plus bas) est de minimiser le danger que représentent pour eux les interventions gouvernementales visant à réduire le tabagisme.

« Et pendant qu’elle mène son entreprise de propagande sur sa soi-disant responsabilité sociale, Imperial Tobacco relance ses attaques contre les lois antitabac[1] et continue à investir des sommes astronomiques dans la promotion de ses produits mortels »[2], conclut monsieur Gauvin.

Preuves flagrantes

La Coalition est stupéfaite que l’industrie du tabac réussisse encore à se faire prendre au sérieux sur la question de la responsabilité sociale. Des montagnes de preuves documentées exposant des décennies de mensonges, de fraudes, de fausse représentation, de conspiration contre l’intérêt public et d’autres comportements répugnants des compagnies de tabac ont fait surface au cours des dernières années. En août dernier, la Cour fédérale du district de Columbia à Washington a rendu un jugement accablant contre des fabricants américains de tabac, incluant les parents corporatifs (ex : British American Tobacco—BAT, Brown & Williamson) des compagnies canadiennes (ex : Imperial Tobacco). M. Kemball vient d’ailleurs de chez BAT. 

Dans ce jugement, on retrouve la conclusion que « pendant plus de 50 ans, les défendeurs ont menti, fait de fausses déclarations et trompé le public américain […] sur les effets dévastateurs du tabagisme et de la fumée de tabac dans l’environnement, ils ont supprimé des recherches, détruit des documents et manipulé les taux de nicotine pour augmenter et perpétuer la dépendance, en plus de cacher la vérité sur les cigarettes légères et à faible teneur en goudron, afin de décourager les fumeurs d’abandonner le tabac, ils ont abusé du système judiciaire afin d’atteindre leur objectif – de faire de l’argent avec peu de considération, sinon aucune, pour la maladie et la souffrance individuelle, les coûts de plus en plus élevés de santé, ni pour l’intégrité de l’appareil de justice.[3] »

Le Gouvernement de la Colombie-Britannique allègue, de son côté, que les fabricants canadiens travaillaient de concert avec leurs vis-à-vis américains et ont eux aussi menti à propos des risques du tabagisme pour la santé, de la dépendance, de la manipulation de la nicotine et du fait que leurs activités de promotion commerciale visaient les enfants[4]. En tout, cinq gouvernements provinciaux ont engagé, ou s’apprêtent à le faire, une poursuite contre l’industrie du tabac[5], sans oublier les nombreuses autres poursuites inscrites par des victimes du tabagisme. De nombreux livres analysant les documents corporatifs confidentiels de l’industrie du tabac ont été publiés depuis qu’un juge du Minnesota a rendu ces documents accessibles au grand public.

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Information, entrevues :

- Louis Gauvin, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac,  514-598-5533; 514-816-5493
- Neil Collishaw et Cynthia Callard, Médecins pour un Canada sans fumée, 613-233-4878
- Dr Fernand Turcotte, Professeur associé de médecine préventive, Faculté de médecine, Université Laval, 514-389-1240

 

[1] La contestation de la loi fédérale et le financement de groupes façade pour s’opposer aux lois provinciales en sont deux bons exemples.

[2] Les compagnies canadiennes de tabac investissent plus en promotion dans les dépanneurs québécois à chaque année (32 millions $ [source : Société canadienne du cancer, 4 mai 2006]) que le budget annuel de lutte contre le tabac du ministère de la Santé (20 millions $).

[3] United States District Court For the District of Columbia. United States of America et al, v. Philip Morris USA Inc., et al. Final Opinion: August 17, 2006. Civil Action No 99-2496 (GK) : 1500, 1566. http://www.ucsf.edu/senate/townhallmeeting/dckessler-99-2496-082006a.pdf

[4] Ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique. http://www.healthservices.gov.bc.ca/tobacco/litigation/writ.html  

[5] Terre-Neuve, Nouvelle-Écosse, Manitoba et Nouveau-Brunswick.

 

ANNEXE

Quelques répliques au discours concernant la
« NOUVELLE CONDUITE RESPONSABLE » D’IMPERIAL TOBACCO (ITC)

 

Document stratégique d’Imperial Tobacco[ix] :

 

 

1) « Notre principe de conduite responsable comprend l’obligation de respecter les normes les plus rigoureuses de conduite et d’intégrité dans tout ce que nous accomplissons […] nous devons développer, fabriquer et commercialiser nos marques d’une manière responsable […] se conformer aux normes environnementales les plus rigoureuses et agir dans le respect des droits de la personne. » [x]

Qu’est-ce-que cela peut bien signifier dans la bouche d’une compagnie qui fabrique et met en marché des produits qui tuent la moitié de leurs consommateurs ??? Réponse : ‘Relations publiques’. La priorité d’Imperial Tobacco demeure la maximisation de ses profits. Et ce, peu importe les conséquences mortelles pour ses consommateurs. Elle est tenue par ses actionnaires de protéger et d’augmenter ses profits, même si plus de ventes égale plus de morts. Promouvoir la réduction du tabagisme, premier objectif d’une entreprise authentiquement responsable, ne figure pas dans les buts de la compagnie.

2) « Les Canadiens souhaitent que les compagnies de tabac soient socialement responsables. »[xi]

Si Imperial Tobacco voulait vraiment agir de façon responsable, elle pourrait :
·         Cesser toute forme de promotion, incluant la promotion aux points de vente
·
         Arrêter de mentir et de dénaturer les faits connus à propos des risques du tabagisme et de la fumée secondaire
·
         Mettre fin à son harcèlement judiciaire et politique des lois visant à contrôler l’industrie et réduire le tabagisme
·
         Adopter l’emballage neutre pour ses produits afin d’éliminer les « personnalités » de chacune de ses marques et cesser de les vendre à l’aide de concepts trompeurs (analogues aux « douces » et « légères »)
·
         Mettre fin à la création et au financement de groupes de façade
·
         Appuyer honnêtement un programme gouvernemental global et efficace de lutte contre le tabac
·
         Appuyer la Convention cadre pour la lutte contre le tabagisme de l’OMS et sa mise en œuvre dans les pays en développement
·
         Transmettre les résultats de toutes ses recherches sur les cigarettes, la dépendance et les fumeurs aux gouvernements concernés

3) ITC est « une industrie qui répond à une demande pour un produit légal […] »

Légal ? Sans doute, mais aussi toxique et létal. Le tabac est légal seulement à cause de la plus grande fraude de l’histoire de la santé publique. Le tabac serait défini comme un produit dangereux si on tentait de l’introduire sur le marché aujourd’hui. En raison de la dépendance à la nicotine, il est impossible d’en guérir l’humanité autrement que par une réduction graduelle de la demande à l’aide d’interventions et de programmes gouvernementaux.

4) Les adultes « choisissent de consommer ces produits. »[xii]

La grande majorité des fumeurs actuels sont devenus des « accros à la nicotine » alors qu’ils n’étaient que des enfants ou des ados. 80% des adultes qui « choisissent » de fumer souhaiteraient ne jamais avoir commencé. Ils fument parce qu’ils sont incapables d’arrêter.

5) « Dans nos principes relatifs à la conduite des affaires […] on retrouve le principe de bénéfice mutuel.[xiii]  Imperial Tobacco Canada s’est engagé à considérer les attentes de ses dépositaires d’enjeux.[xiv] »

À quels dépositaires d’enjeux réfère l’industrie ? Aux millions de fumeurs qui sont dépendants des produits d’Imperial Tobacco, incluant les milliers de malades du tabagisme condamnés à une mort atroce? Aux 25 000 familles[xv] qui sont détruites chaque année par le décès prématuré d’un membre qui fumait des du Maurier ou des Players’ ? Aux sociétés qui paient la facture des soins de santé et de la perte de productivité ? (Les revenus en taxes sont bien inférieurs aux coûts du tabac et sont, notons-le, payés par les fumeurs et non par l’industrie). Est-ce que l’industrie réfère aux employés qu’elle a dépouillés de leur gagne-pain en déménageant sa fabrication au Mexique pour rogner sur les salaires et échapper au paiement de l’impôt ? … Les seuls dépositaires d’enjeux qui intéressent Imperial Tobacco et ses dirigeants sont ses actionnaires dont la très grande majorité se trouve à l’étranger (Imperial Tobacco appartient à 100 % à British American Tobacco basé à Londres).

6) « ITC considère la prévention de l’usage du tabac chez les personnes d’âge mineur comme un enjeu social extrêmement important. […] ITC est le plus important contributeur financier au seul programme national visant à aider les détaillants et leur personnel à empêcher la vente de produits du tabac aux personnes d’âge mineur. » [xvi]

Les campagnes de marketing de l’industrie cherchent à positionner la cigarette en tant que symbole de maturité et d’indépendance, ce qui constitue justement l’attrait pour les jeunes. L’industrie sait très bien que répéter, à propos des cigarettes, qu’elles sont réservées aux adultes en renforce l’attrait pour les jeunes. Le programme « Opération carte d’identité » est conçu en ce sens (« Moins de 18 ans, pas de tabac !»). Il va de soi que le programme ne dit rien des effets du tabagisme sur la santé ni de la toxicomanie à la nicotine. Les archives confidentielles des cigarettiers montrent qu’ils savent bien que ce type de programme n’a aucun impact sur la prévalence du tabagisme chez les jeunes et que sa principale fonction est se servir d’outil de relations publiques pour améliorer l’image de l’industrie.

7) ITC est « fière de la longue tradition d’Imperial Tobacco Canada en matière de philanthropie. »

Les compagnies de tabac n’ont jamais été intéressées à améliorer le sort de la société. Leur philanthropie corporative n’est rien de plus qu’une stratégie pour mieux s’opposer aux interventions gouvernementales. Les dons et commandites sont uniquement une question d’affaires, et comme la plupart des investissements en affaires, ils présupposent un « retour »  sur cet investissement. Voir Les dons de l’industrie du tabac[xvii].

8) ITC veut « travailler […] en vue d’assurer que les consommateurs disposent d’une information adéquate et claire à propos des produits et des risques. »

Imperial Tobacco et les autres fabricants canadiens se sont battus contre les avertissements de santé imprimés sur les paquets, et les contestent présentement devant la Cour suprême du Canada. Ils ont longtemps nié les effets du tabac sur la santé et continuent de nier la dévastation de la santé par la fumée de tabac secondaire. De plus, ils ont tout fait pour empêcher toute mention et information au sujet de la dépendance dans ces avertissements.

9) ITC veut « reconnaître le rôle […] que joue la réglementation dans l’équilibre des besoins des divers segments de la société. »

Imperial Tobacco s’est opposée à tous les projets de loi et projets de règlements efficaces. La compagnie conteste présentement la loi fédérale devant la Cour suprême. Elle finance également des groupes de façade qui luttent contre les lois provinciales, incluant celle du Québec (ex : Monchoix.ca). Voir document Principaux groupes luttant contre la Loi sur le tabac[xviii].

10) « Nous considérons comme une priorité le développement de produits du tabac dont la nocivité pourrait être réduite. »

Comme les cigarettes « douces » et « légères » à teneur réduite de goudron et nicotine ? Non merci ! L’industrie savait que ces nouvelles cigarettes étaient tout aussi dangereuses que les cigarettes régulières mais a trompé autant les gouvernements (en déformant ses recherches) que les fumeurs préoccupés par leur santé (en les « rassurant » de manière à ce qu’ils continuent à fumer). Toute « amélioration » du produit (si c’est possible) doit être strictement réservée au gouvernement de même que, et surtout, sa mise en marché.

11) « Cet objectif de dénormalisation est la justification sous-jacente de l’ensemble des gouvernements canadiens, qui sont allés jusqu’à financer des projets attaquant non pas les produits du tabac, mais les consommateurs et les gens qui travaillent dans l’industrie. »[xix]

Les efforts de « dénormalisation » menés par les groupes antitabac ne visent rien d’autre que de révéler la vérité à propos du comportement de l’industrie du tabac. La dénormalisation ne concerne pas les victimes que sont les fumeurs ni les salariés de l’industrie. En vérité, il s’agit de défaire des décennies de vastes campagnes de « normalisation » orchestrées par les dirigeants des compagnies de tabac pour établir l’acceptabilité sociale du tabagisme et de l’industrie qui entretient cette dépendance et en fait son beurre. Cette « normalisation » s’est accomplie en finançant des partis politiques, en commanditant des événements sportifs et culturels, en finançant des institutions de santé, des chercheurs et des chaires universitaires, en s’intégrant dans les partis politiques et les conseils d’administration, et en menant des campagnes sophistiquées de relations publiques.

Document stratégique de BAT[xx] :

 - Fin de l’annexe -

[ix] Imperial Tobacco Canada Limited, document non-intitulé, date inconnue estimée à 2000 ou 2001 (contient une section « 2000 Review & 2001-2003 Outlook »), page 20, no Bates 325179025. http://bat.library.ucsf.edu/search?q=325179025&dir=gf&start=0&index=index&outputFormat=HTML&encoding=ISO-8859-1&field=er%3A&display=brief&num=10  

[x] Benjamin Kemball, discours, Club économique de Toronto, 17 octobre 2006 (et toutes les autres citations de ITC sauf d’indication contraire). http://www.imperialtobaccocanada.com/onewebca/sites/IMP_5YBAUU.nsf/vwPagesWebLive/C1256E7F00296E7380256E160062D0A6?opendocument&SID=&DTC=

[xii] Imperial Tobacco, « Le point sur Imperial Tobacco Canada … notre position », juin 2006. http://www.imperialtobaccocanada.com/onewebca/sites/IMP_5YBAUU.nsf/vwPagesWebLive/C1256E7F00296E73C1256E6E00643304?opendocument&SID=&DTC=

[xiii] Discours de Benjamin Kemball, Association des détaillants en alimentation du Québec, 14 octobre 2006.

[xiv] Benjamin Kemball, Communiqué de presse d’Imperial Tobacco, 13 octobre 2006.

[xv] Au prorata de sa part de marché : 57% de 45 000 décès au Canada.

[xvi] La plus récente d’Imperial Tobacco est la campagne « Parlons-en » lancée en octobre 2006 : voir 1er et 3ème communiqués. http://www.imperialtobaccocanada.com/onewebca/sites/IMP_5YBAUU.nsf/vwPagesWebLive/CC3BF90C2A8FF6FFC1257108005E41CC?opendocument&SID=&DTC=

[xix] Benjamin Kemball, discours, Office de commercialisation des producteurs de tabac jaune du Québec, 7 juillet 2005. http://www.imperialtobaccocanada.com/onewebca/sites/IMP_5YBAUU.nsf/vwPagesWebLive/C1256E7F00296E7380256E160062D0A6?opendocument&SID=&DTC=

[xx] Jodi White, Acétates de la réunion « Key Issues Council meeting » de British American Tobacco, 8 février, 1995. http://bat.library.ucsf.edu/data/d/m/m/dmm24a99/dmm24a99.pdf